Un jour, Mamie prendra sa Clio (elle n'a pas les moyens de rouler en 4x4 Peugeot, elle, comme son ex ; ni en berline allemande, comme son fils qui a réussi mais qui a la folie des grandeurs et a oublié d'où il venait) et roulera jusqu'à Lille. Mais c'est bête... y'a jamais de place pour se garer sur le Grand Boulevard, alors on lui criera : "TROP TARD !"
Elle a deux amours : Yann et Pierre. Eux, ils ne ressemblent pas à leur grand-père (qui est dur), heureusement. Ils sont si gentils avec Mamie... Et Mamie s'occupe beaucoup d'eux. Quand Véronique, la soeur de Papa tu comprendras plus tard ma chérie, a trop de travail (car elle, son Directeur Général lui a envoyé des fleurs à la maternité), ou les mollets qui enflent, Mamie prend le relais. Et Mamie ne reste pas toujours assise dans son canapé imitation Louis XVI acheté à vil prix au notaire de Guémené (celui-là même qui organise un trafic de foulards Hermès) devant Diisney Channel, non : Mamie a inscrit Yann et Pierre à un stage de "tir à lodil". C'est si bien que même Erwan, le gendre de Mamie, y participe !
Avec ses rhumatismes, Mamie Pleurnichouille a dû troquer le vélo de compét (on l'appelait Jani Longo, jadis...) pour un déambulateur. Elle s'en fout, avec son allocation dépendance, elle va s'acheter un penty Pierres et Vacances à Bénodet, na !
Elle souffre au plus profond de sa chair. De peur d'être agressée, elle n'ose même plus aller à la pharmacie chercher ses médicaments (ni au Leclerc historique de Landerneau : on s'y bat à coups de boîtes de conserve). Et pourtant, elle a la rate qui se dilate, le foie qui est pas droit... Ah mon Dieu quc'est embêtant d'être toujours patraque... Et quand elle va (un peu) mieux, elle glisse dans son garage, elle file ses bas, elle se casse un ongle, elle marche sur un crabe à Brignogan...
C'est un beau roman, c'est une belle histoire, c'est une romance d'aujourd'huiiiiiiiiiiiiiiiiiii d'aujourd'huiiiiiiiiiiiiiiiiii... Ils se sont croisés dans le brouillard, elle revenait à la charcuterie, il descendait jusqu'à Plouay....
35 ans de souffrance revalorisés sur l'indice 2010 du coût de la construction (indice du Crédit Mutuel de Bretagne). Une existence gâchée, un calvaire. Une vie de sacrifices. Elle a souffert en silence, jamais un mot plus haut que l'autre, jamais une exigence, jamais un mouvement de mauvaise humeur.
En pages locales du Télégramme de Brest (les pages régionales, c'est pour le fils indigne), Mme Michèle LN ex B. (dite Mamie Pleurnichouille) pose fièrement avec sa médaille du non-travail...
Il pleure dans mon coeur comme il pleut sur la ville. J'ai révisé tout Verlaine et tout Barbara, rien, rien, rien ni personne ne vient sécher mes larmes. Après on s'étonnera pas que j'attrape une conjonctivite morbide avec septicémie du Rimmel (je suis obligée d'utiliser un vieux mascara Yves Rocher que mon fils m'avait donné quand il m'aimait encore).
J'ai tout fait. Je me suis connectée. Je me suis coiffée comme Meg Ryan. J'ai créé une adresse web (mamiepleurnichouille29@hotmail.fr). J'ai même branché la prise de courant de l'ordinateur. Mais rien, rien, rien, je ne vois rien venir, que l'écran qui poudroie et mes yeux qui rougeoient...
Si javépa tombé en sainte joré pu fer hacheussé. Jé toujour été 1ère en orttograffe.
Pas une Terracota (même périmée), pas un parfum, pas un échantillon. Rien, rien, mon fils m'oublie totalement. Mais une Maman n'oublie jamais son enfant et un jour ma chérie tu comprendras combien Mamie souffre...
